MILAN-SAN REMO où Il était une fois…………….
Papy, raconte moi quand tu courais en Italie.
Le grand-père était assis sur son banc comme d’habitude, comme il aimait profiter de ces fins d’après-midi d’été, quand le soleil devient plus raisonnable. La casquette fichée sur la tête, non, pas la casquette de ces gens de la ville, pas cette casquette de riche que sa fille lui avait offerte pour Noël, non. Sa casquette à lui, il n’en existait pas une autre au monde pareille. Elle avait dû être jaune, il y a longtemps, longtemps, très longtemps. On distinguait encore un « T » majuscule, deux ou trois lettres puis un « F » tout aussi majuscule ainsi que deux taches, sans doute de la réclame comme on disait jadis. Mamie avait bien remplacé l’élastique deux ou trois fois, mais je ne crois pas qu’elle serrait de trop.
A l’ombre du chêne, sur l’airial, les yeux mi-clos, il restait immobile. Il profitait du temps, du temps qui reste, du temps qu’il fait. Ses cheveux blancs étaient attachés de manière soignée formant un superbe catogan. Malgré son âge avancé son visage ne portait pas la marque du temps, il resterait toujours jeune. De fines lunettes cerclées d’argent reposaient sur son nez et lui donnaient un air de prix Nobel. Ses lèvres bien dessinées surmontaient un menton rond qui laissait deviner que l’homme était brave. Ses deux mains reposaient sur le pommeau de sa canne. Elles étaient fines, des mains qui n’avaient pas souffert, aux ongles coupés ras et parfaitement polis.
- Papy, s’il te plait, raconte-moi l’Italie, la Primavera.
S’il avait tout d’abord feint de ne pas entendre c’était pour ne pas plonger dans sa mémoire, tout ça c’était du passé, son passé. L’enfant réitéra sa demande, plus pressant grimpant sur le banc en lui tenant le cou. Le temps qui passe, celui qui reste. Pour une fois il allait céder, pour une fois.
Alors écoute-moi mais descends de ton vélo et viens près de moi. L’enfant leva la tête, surpris. Il avait souvent sollicité son grand- père mais jamais il n’était arrivé à ses fins. Il resta quelques secondes immobile, assis sur son petit vélo rouge auquel son père avait refusé d’ôter les stabilisateurs. D’un bond il s’installa sur le banc, tout contre le vieillard. Celui-ci n’avait pas bougé d’un iota. Un observateur avisé aurait peut-être pu voir trembler légèrement sa lèvre inférieure.Doucement, d’une voix grave il se mit à raconter. Parlant presque à l’oreille du gamin qui le serrait dans ses bras.
C’était en 1988, après que Pascal crût bon de nous laisser tomber. J’avais cette année là misé sur le début de saison et plus particulièrement sur la Primavera. Je savais que j’étais en forme. Dès le début de la course je me portais aux avant-postes. L’opposition était sérieuse, Steven, Fabio, Sean et quelques autres. Si la bataille eut lieu tout au long des 290 kilomètres, elle fit rage lors de l’enchaînement des « capi » dans les 50 derniers kilomètres. Les Italiens étaient chez eux et pour les étrangers, en Ligurie, les kilomètres mesurent plus de mille mètres.
Au bas du Poggio je me sentais bien et je voulais basculer en tête. J’ai donc porté une attaque. Seul Mauricio put me suivre. Nous avons contrôlé la descente vers San Remo, la meute était à nos trousses. Je ne connaissais pas trop ce jeune Italien qui m’accompagnait mais je pensais pouvoir le dominer au sprint. J’ai démarré pour la gagne à trois cents mètres de la ligne que j’ai franchie en vainqueur. Mamie avait fait le déplacement et était fière de moi, je crois qu’elle se méfiait des « troppo bella italiana ».
Du fond de la cuisine une voix mit un terme à la magie du moment : « Laurent, tu vas prendre froid, il est l’heure de rentrer ! »
Allez Mimosa, c’est mamie, on rentre, il est l’heure de souper, et ne lui parle pas de vélo. Demain il fera beau, s’il reste du temps on ira au grenier voir mes maillots si je les retrouve. J’en ai des jaunes, des roses, des bleu, blanc, rouge.
Cette histoire aurait pu être vrai, mais il ne lui restait pas assez de temps et il était parti depuis bien longtemps. Il avait rejoint le « Petit Ramoneur », « la Ficelle », « Louison », « Chappat’de velours » et « Maître Jacques ».
Mimosa serait champion de France quelques années plus tard, en …
Salut champion
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