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LE FULWOOD A SAINT-PIERRE ET MIQUELON

Le « Fulwood » était un trois-mâts goélette qui avait quitté un port de la côte est du Canada, quelques jours avant. Sa cargaison était composée de diverses marchandises, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs malles scellées avec de grosses ferrures de bronze, contenant des doublons en or, expédiés du Canada en Angleterre. Au début du dix-neuvième siècle, il était courant de payer des factures de cette façon, car à l’époque, c ‘était la seule méthode employée pour effectuer des paiements.

L’équipage du « Fulwood » était ce qu’on appelait à cette époque un équipage de « sac et de corde », et il était parfaitement au courant de la nature de la cargaison. A la suite de nombreuses libations d’alcool, une mutinerie éclata quelques jours après le départ du Canada. Le capitaine et son état-major furent tués à coups de couteaux, et aucun matelot ne possédant et n’ayant les qualités requises pour diriger et conduire le bateau en Angleterre, il arriva ce qu’en pareille circonstance arrive toujours, le « Fulwood » au cours d’une nuit de tempête s ‘échoua et termina sa carrière sur la dune de Langlade.

Après l’échouage la terreur s’empara des mutins. Cette frayeur provenait d’une part de la crainte qu’ils avaient que leur crime serait bientôt découvert, et d’autre part de la peur de perdre le trésor dont ils s ‘étaient emparé. Ils cherchèrent un endroit propice pour le cacher, et la légende prétend qu’ils le trouvèrent aux alentours de certaines fermes situées sur la dune.

Le crime fut vite connu des fermiers de Langlade, qui alertèrent immédiatement les autorités. Les mutins furent interrogés et plusieurs d’entre eux avouèrent leurs forfaits. Leur arrestation suivit aussitôt et l’instruction commença. Elle fut très longue et très détaillée. Le dossier complet de cette instruction fut longtemps conservé dans les archives à Saint-Pierre. Malheureusement, de nos jours, il n’en reste plus rien, car ce dossier brûla entièrement, lors de l’incendie qui détruisit le Palais de Justice de Saint-Pierre en 1926.

Cette affaire prit une orientation à laquelle on ne s’attendait pas. En cette annee de 1828, la France et l’Angleterre étaient liées par un traité d’extradition. L’Angleterre par sa diplomatie fit jouer les clauses de ce traité, et demanda que les criminels soient extradés pour lui être livrés. Ils partirent donc à Terre-Neuve et ensuite en Angleterre, où ils furent de nouveau jugés et condamnés a être pendus à la vergue d’un navire de guerre anglais, ancré dans la rade de Portsmouth.

Que reste t’il de nos jours de cette affaire du « Fulwood » ? Une légende ? La tradition prétend qu’à la fin du dix-neuvième siècle, deux habitants de Miquelon trouvèrent le « magot » des mutins et le partagèrent. Certaines personnes, au contraire, affirment que le « trésor » est toujours enfoui dans le sable de la dune.

C’est peut-être vrai, et en définitive c’est sans doute le bon La Fontaine qui avait raison, quand, dans une des fables, il fait dire par un laboureur à ses trois fils, en leur désignant son champ: « Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place ou la main ne passe et repasse ».

C’est peut-être en fouillant dans le sable de l’isthme, qu’on éclaircira un jour ce mystère et qu’on détruira la légende du « Fulwood ».

(voir aussi Miquelon-Langlade en passant par la dune – Les bris et les naufrages – de Rodrigue Girardin et Bernard Quelennec pour une version quelque peu différente)

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